Je veux l'évidence du geste


Claudia Carlisky
22 septembre 2012

Retrouver le sens du dedans. Rentrer, rentrer sans crier gare. Retrouver le goût du silence, les longues conversations de l'intime. La langue ouvreuse de paraboles. Défier la mort qui avance sur son chariot de feu. La défier avec mes seules armes, celles de la claire voyance. Ne plus emprunter au réel ses godillots trop lourds. Habiter ses toiles d'oubli, détisser la pénombre, multiplier les appels, balbutier jusqu'au tremblement de langue. Calfeutrer les assises de l'oubli jusqu'à l'éruption cutanée. Geindre du dedans jusqu'à l'irruption du flot. Ne plus craindre les vertiges du dedans. Ne plus craindre une vérité pugnace, une vérité cinglante. L'universel se dévide dans l'essence du geste. Il prend corps sans y penser, par mégarde. Revenir à l'intime. Ne plus rien regarder. Abhorrer l'obséquiosité qui dévide, qui gorgone, qui lentement efface les rites singuliers. Comment ne pas céder à la rage ? Comment ne pas se confondre dans le sang ? Le fil de l'équilibriste né de la droiture, du vertige, de l'érection qui se déplie, de la verticalité qui se cherche, ce fil tendu, je le veux mien, encore. Des bégaiements interstitiels, je ne veux plus. Du coton des milles yeux qui me palpent et m'abîment, je ne veux plus. Je veux la tendre langue qui m'habite et me tisse à l'envie, que je couve délicieusement en longues efflorescences chatoyantes. Je veux m'oublier en de voluptueux effleurements de langue lancés dans le vide de pages aussi blanches qu'offertes, sans jamais céder au nombre. A la recherche haletante et vorace de l'essence la plus parfumée, la plus riche, la plus haute sans, sans jamais pourrir ni sécher. Je veux l'oubli du nombre et de l'indifférencié, creuser le sens et la langue, irriguer la perception, énergiser la vie, vibrante, visible et invisible, élargir les portes de la perception, agir au plus près, au plus loin, sans jamais céder à la peur, sans jamais déraisonner, sans violence, sans lâcheté, prendre le temps d'exister... malgré les malgrés.
Des ruissellements d'espérance, je veux. Je veux l'intransigeante beauté. Déliée de toute finitude. Je veux. Je veux l'évidence du geste. Je veux continuer à apprendre de cet avènement incessant qui me démultiplie et m'affranchit de l'existant qui n'est que de ce que je lui accorde. Sans pour autant fabuler, je me crois de moi-même, je m'engage en sentiers inconnus qui me créent pas à pas.
Affranchie, libérée de l'ignorance qui se tait et se terre, j'avance d'un bon pas, risquant, louant, armant l'âme et la langue, ne cherchant plus ailleurs la connaissance intime puisqu'elle est là, déjà là, et que de tant la recouvrir, je me vide de ma substance, de ce qui fait ma propre voix, ma voie propre.
Riche de ma langue, de mon espace, de mon souffle, je ne me liquéfie plus dans l'indifférencié, dans l'indifférence. J'avance. Je lance des feux de langue, des lances liquides. Je rentre profond dans mes sens, dans mes émotions, dans mes sentiments. Je me m'interdis rien. Je ne m'interdis plus rien. 

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