jeudi 4 juillet 2013

Article d'Emilie Notard sur Claudia Carlisky



CARLISKY, Claudia
1954 (Buenos Aires, Argentine)
Poétesse, peintre et traductrice. Fille du sculpteur argentin A. Carlisky. A passé sa petite enfance en Argentine, son enfance
en France et son adolescence en Argentine (Buenos Aires). S'est fixée en 1975 à Paris, où elle vit toujours. A été initiée à la danse par M. Marini, à la peinture par M. Davila et au théâtre par R. Villanueva et J.-G. Nordman. A été profondément marquée par le travail corporel du danseur Tanaka Min. A publié en français des livres d'artistes, où poèmes et créations picturales se côtoient ; a aussi publié des poèmes dans l'annuaire hispano-américain de poésie Aerea, dans l'anthologie Écritures de femmes d'Amérique latine en France ainsi que dans diverses revues de poésie. A participé à des lectures publiques et à des récitals qu'elle a organisés avec des musiciens classiques, comme le trio Goodman. A pris part à une trentaine d'expositions individuelles et collectives en Europe. Nominée au Concours Simone Landry à l'occasion de la Journée Internationale des
Femmes en 2010.
C. C. a quitté à deux reprises son pays natal pour la France : la première fois avec son père, qui avait choisi Paris pour son rayonnement artistique, et la seconde fois, toujours avec son père, un an avant l'arrivée au pouvoir de J. R. Videla, au moment où l'intelligentsia quittait l'Argentine pour les ÉtatsUnis ou l'Europe. Cependant, le profil de C. C. ne correspond pas à celui de l'artiste émigré, thématisant son déchirement entre son pays d'accueil et son pays d'origine ; dans ses poèmes et ses tableaux, C. C. n'aborde en effet ni les périodes difficiles vécues en Argentine ni sa relation avec la
France et la langue française, sauf dans certains poèmes rédigés peu après son départ de Buenos Aires
en 1975. Dans ces poèmes, parus dans Concerto pour un visage, le mot 'exil' est rare. C'est même, paradoxalement, par l'omission de ce terme que C. C. exprime son exil dans ce recueil : il est sous-entendu dans l’épigraphe d’E. Jabès, ainsi que dans l'unique poème en espagnol, où elle exprime son
malaise existentiel à travers la distorsion des couleurs ; entre autres, un bleu dilué semble traduire sa douleur face à son double exil : à l’exil géographique en France s’ajoute un dépaysement historique dans un Paris bien différent de celui qu'elle avait connu.
Bien que C. C. écrive la plupart du temps en français – comme en témoignent ses livres d'artiste –, elle
cultive une certaine relation avec l'Argentine et avec sa langue maternelle, l'espagnol, sans pour autant
en faire sa priorité. La présence de l'Argentine dans ses œuvres plastiques et poétiques est discrète. On
la remarque dans le fait que l'UAPA (Union des Artistes Plasticiens Argentins) a publié en 1992 son
premier ouvrage ; mais on la retrouve aussi au détour de certains tableaux comme « Tango » (1994,
huile et pastel bleu sur papier noir, 30,5 x 24 cm), ou encore à l’occasion de certains événements
auxquels elle participe ou qu'elle organise, comme son exposition réunissant 13 peintres argentins aux
Temps du Corps, à Paris, en juin et juillet 2009. Quant à sa langue maternelle, elle la cultive en
traduisant P. Poblete ou en écrivant directement en espagnol, comme c'est le cas avec le poème évoqué
plus haut, ou encore avec « Sobre el corazón de la cosas y otros poemas » et « Fuente vertical », parus
en version bilingue dans le numéro 5 d'Aerea, annuaire hispano-américain de poésie.
Le thème de l'exil, la question linguistique et identitaire, tout comme son appartenance à la
communauté d'artistes argentins vivant en France – dont elle fit automatiquement partie en tant que
fille du grand sculpteur argentin A. Carlisky – ne constituent que des aspects secondaires dans ses
œuvres. Au lieu de se focaliser sur l'expérience de la migration, la démarche lyrique et picturale de C. C. consiste à s'interroger sur l'existence. Sa réflexion se présente sous la forme d'une trajectoire allant de l'ombre à la lumière, passant d'une matière fermée, muette, aveugle et sourde à une matière ouverte, où tous les sens sont en alerte. Cette métaphore de l'être-au-monde débouche sur « le souffle,
l'énergie et la passivité active », souligne-t-elle dans sa biographie publiée sur le site du Manoir des Poètes ; elle donne lieu à une vitalité qui fait de la matière une présence vivante et tangible orientant mots, couleurs, gestes et sons vers un syncrétisme générique dont elle fait son principe esthétique. Qu'ils soient ou non accompagnés d'une création picturale, les poèmes de C. C. requièrent toute notre
attention sensorielle : la palette de couleurs et de nuances, la symphonie de sons et la chorégraphie des corps qui traversent ses mots mêlent peinture, musique et danse à la poésie. Pensons aux poèmes « Laissez-moi la beauté tutélaire », publié sur le site du Manoir des Poètes, et « Source verticale », publié sur le site Resonancias, ou encore au poème-peinture « Offrande », un inédit analysé par
A. Dujovne Ortiz en 2007. En même temps, C. C. renforce cette fusion des arts, en permettant au lecteur et au spectateur d'établir des correspondances entre poème, musique et peinture ; dans ses carnets d'artiste, elle juxtapose poèmes et créations picturales sans jamais considérer les uns comme illustration des autres puisque, pour elle, l'écriture et la peinture sont deux modes d'expression à part entière. Lors de ses récitals de poésie, elle interprète ses poèmes sur fond sonore, faisant coïncider ses
mots avec la musique du Trio Goodman ou du harpiste J. Marcou. Les passages qui s'ouvrent ainsi entre les arts permettent au souffle de circuler et confèrent à ses poèmes une tonalité aérienne et lumineuse. Dans son besoin d'élan, d'envol et de mouvement, C. C. réussit à échapper – et ses poèmes avec elle – au poids des peines que subissent bien des exilés pour évoluer vers la joie, la grâce et,
surtout, la beauté, l'amour et l'extase mystique.
Emilie NOTARD
ŒUVRES
Poésie
Concerto pour un visage. [s.l.], UAPA (Union des Artistes Plasticiens Argentins), 1992. – Incantation. Lilas de tes blessures.
Paris, Ateliers Betsalel, 1994. – Les mille miroirs se découragent. Paris, Ateliers Betsalel, 1994. – J'accuse. Paris, Ateliers
Betsalel, 2000. – Idéogramme amoureux. [s.l.], [s.i.], 2001. – « Sobre el corazón de la cosas y otros poemas » et « Fuente
vertical/Source verticale ». In: Aerea 5 (2002), 291-293 [« Poesia francesa actual: Latinoamericanos y franceses en Paris »]. –
« Laissez-moi la beauté tutélaire » (2000). In : http://www.lemanoirdespoetes.fr/poemes-claudia-carlisky.php (01.07.2010).
RÉCEPTION CRITIQUE
Dujovne Ortiz, Alicia : « Claudia Carlisky entre la matière et la loi » (2007). In :
http://www.resonancias.org/content/read/648/claudia-carlisky-entre-la-materia-y-la-ley-en-espanol-y-frances-por-aliciadujovne-ortiz/(04.07.2010), 
s.p. – Moréchand, Laurence : « Claudia Carlisky ». In : Femmes Artistes-International 3 (hors-série), s.p.
SITES
http://www.printempsdespoetes.com/index.php?rub=poetheque&page=14&url=http://www.printempsdespoetes.com/poetheque/index.php?fiche_poete%26cle=347%26nom=Claudia%20Carlisky (01.07.2010)
http://bi.adagp.fr/IB/index.php (01.07.2010)
http://claudiacarlisky.blogspot.com/ (17.10.2010)

L. Subramaniam : Double Concerto - Movement II Et Shantipriya

https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=RCPOlVF2cJA#at=1112

mercredi 3 juillet 2013

Paris, 3 juillet 2013

Et lorsque l'évidence du Nom nous transfigure, le monde s'ordonne alors inexorablement. Dès lors, chaque mot devient flèche, lance, pierre ou caresse, tenant sa juste place, à travers soi. Claudia Carlisky